Remédier à la pénurie de pollinisateurs

Par Clara Martín Fernández

Le déclin des populations d'abeilles et d'autres pollinisateurs naturels est bien documenté ; nombre d'entre eux sont menacés d'extinction. Les causes incluent le changement climatique et d'habitat, l'utilisation de pesticides et d'herbicides, ainsi que de nombreux autres facteurs qui mettent en péril la production alimentaire mondiale et rendent l'alimentation de la planète plus difficile.

En Europe, environ quatre espèces de plantes cultivées et de plantes à fleurs sauvages sur cinq dépendent, au moins dans une certaine mesure, de la pollinisation animale. Les avantages des pollinisateurs pour l'économie sont particulièrement évidents dans le domaine de la production alimentaire, puisque la pollinisation animale contribue à la production agricole de l'UE pour un montant estimé à au moins 5 milliards d'euros par an. La plupart des avantages essentiels des pollinisateurs restent toutefois non quantifiés, comme leur contribution à la sécurité alimentaire et au maintien de la santé et de la résilience des écosystèmes grâce à la pollinisation des plantes sauvages.1

Où sont les pollinisateurs?

L'Europe et le monde sont confrontés à une perte dramatique de pollinisateurs sauvages. La population d'environ une espèce d'abeille, de papillon et de syrphe sur trois est en déclin. En outre, une espèce d'abeille et de papillon sur dix, et une espèce de syrphe sur trois, sont menacées d'extinction.2

L'Europe a un devoir de vigilance car une plus grande proportion des espèces d'abeilles sauvages menacées est endémique soit à l'Europe (20,4 %, 400 espèces), soit à l'UE-27 (14,6 %, 277 espèces). Cela souligne la responsabilité des pays européens dans la protection des populations mondiales de ces espèces. Près de 30 % de toutes les espèces menacées (en danger critique d'extinction, en danger ou vulnérables) au niveau européen sont endémiques à l'Europe.3

D'après les connaissances scientifiques actuelles, il semble qu'aucun facteur ne soit le seul responsable du déclin des populations de pollinisateurs. Le rapport sur les pollinisateurs publié par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) désigne le changement d'affectation des terres, la gestion agricole intensive et l'utilisation de pesticides, la pollution environnementale, les espèces exotiques envahissantes, les agents pathogènes et le changement climatique comme les principales menaces pesant sur les pollinisateurs. Ces facteurs sont souvent combinés et exercent une forte pression sur les pollinisateurs.

"L'Europe et le monde sont confrontés à une perte dramatique de pollinisateurs sauvages. La population d'environ une espèce d'abeille, de papillon et de syrphe sur trois est en déclin. En outre, une espèce d'abeille et de papillon sur dix, et une espèce de syrphe sur trois, sont menacées d'extinction.2"

Initiative européenne pour les pollinisateurs

L'UE dispose déjà de l'un des systèmes réglementaires les plus stricts au monde concernant l'approbation des pesticides et autres produits agrochimiques. En 2018, l'UE a adopté sa première Initiative européenne sur les pollinisateurs, qui a mis en place des outils politiques spécifiques pour lutter contre le déclin des pollinisateurs, mobilisé une action intersectorielle et réalisé des progrès significatifs en matière de surveillance des pollinisateurs. Cette initiative a complété les mesures existantes en faveur des pollinisateurs dans le cadre de plusieurs politiques de l'UE, notamment les directives "Oiseaux" et "Habitats", la législation de l'UE sur les pesticides, la politique agricole commune (PAC), la politique de cohésion et la politique en matière de recherche et d'innovation.

La stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité pour 2030 et l'initiative de l'UE en faveur des pollinisateurs ont pris l'engagement d'inverser le déclin des pollinisateurs sauvages d'ici à 2030. Les actions de l'UE en faveur des pollinisateurs visent à :

  • Améliorer les connaissances sur le déclin des pollinisateurs, ses causes et ses conséquences
  • Améliorer la conservation des pollinisateurs et s'attaquer aux causes de leur déclin
  • Mobiliser la société et promouvoir la planification stratégique et la coopération à tous les niveaux

En juin 2022, la Commission a adopté une proposition de règlement sur la restauration de la nature, qui comprend un objectif obligatoire pour les États membres d'inverser le déclin des pollinisateurs d'ici à 2030. Les États membres seraient également tenus de mettre en place de solides programmes de surveillance afin de recueillir des informations sur la quantité et la diversité des espèces de pollinisateurs, ainsi que d'évaluer les tendances des populations de pollinisateurs.

L'impact combiné de la proposition de loi sur la restauration de la nature et du nouveau cadre d'action introduit par l'initiative européenne sur les pollinisateurs représente un changement significatif dans les efforts de conservation des pollinisateurs au niveau européen. Il peut être considéré comme un accord transformateur visant à sauvegarder les pollinisateurs européens.

Les efforts internationaux

Lors de la 15e Conférence des Parties (COP15) à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, en décembre 2022, d'importantes initiatives mondiales ont été prises pour lutter contre la crise de la biodiversité. Cependant, il est essentiel que ces efforts mondiaux soient complétés par des actions ambitieuses au niveau de l'UE pour sauvegarder et restaurer la biodiversité. Les pollinisateurs jouent un rôle vital dans cet écosystème et doivent être considérés comme un élément essentiel de toute stratégie de conservation globale.

Parmi les objectifs mondiaux 2030 du cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, l'objectif 11 appelle à restaurer, maintenir et renforcer la contribution de la nature aux populations, y compris la fonction et les services des écosystèmes, parmi lesquels la pollinisation animale est mentionnée spécifiquement. Les actions proposées dans l'initiative révisée de l'UE en faveur des pollinisateurs jouent un rôle essentiel dans les efforts déployés par l'UE pour atteindre cet objectif, en particulier en ce qui concerne la pollinisation.

En 2000, la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique a pris une mesure importante en lançant l'initiative internationale en faveur des pollinisateurs. Cet effort mondial visait à promouvoir la conservation et l'utilisation durable des pollinisateurs. En 2018, l'UE a rejoint un groupe de collaboration connu sous le nom de "Coalition of the Willing on Pollinators", qui a été lancé en 2016. Depuis lors, la Commission européenne soutient activement les objectifs de cette coalition internationale en facilitant l'échange de connaissances et d'expériences concernant la mise en œuvre des actions de l'UE sur les pollinisateurs avec d'autres pays.

Protéger les pollinisateurs dans nos villes

De plus en plus de villes se dotent d'une politique de protection des pollinisateurs.

De plus en plus de villes proposent des initiatives durables pour protéger les pollinisateurs. En 2019, la ville néerlandaise d'Utrecht a commencé à installer des toits verts aux arrêts de bus afin d'augmenter la population d'abeilles et d'autres pollinisateurs et d'améliorer la qualité de l'air. Cette initiative a également été mise en œuvre dans d'autres pays européens, tels que le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark.

Le projet "autoroute des abeilles" à Oslo (Norvège) a été lancé en 2015 et constitue un effort continu depuis lors, mettant en évidence l'engagement de la ville en faveur de la conservation de l'environnement. Cette initiative implique la création de corridors verts à travers la ville, reliant différentes zones avec une végétation spécifique, favorable aux abeilles. Ces corridors sont conçus pour offrir un habitat continu et sain aux abeilles et autres pollinisateurs. Des fleurs indigènes sont plantées et les pesticides nocifs sont évités le long de ces tronçons, ce qui favorise la biodiversité et la conservation des pollinisateurs dans un environnement urbain.

D'autres initiatives prévoient la participation directe des citoyens, comme l'initiative citoyenne européenne "Save Bees and Farmers". Cette alliance est un réseau en pleine expansion qui regroupe actuellement plus de 140 ONG environnementales, organisations d'agriculteurs et d'apiculteurs, fondations caritatives et institutions scientifiques réparties dans toute l'Union européenne, qui travaillent ensemble pour réconcilier l'agriculture, la santé et la biodiversité.

Conclusion

La sauvegarde des pollinisateurs n'est pas seulement un impératif environnemental ; il s'agit d'un engagement crucial pour la durabilité de nos écosystèmes et de la production alimentaire mondiale. La mise en œuvre par les villes d'initiatives innovantes telles que les autoroutes des abeilles et l'adoption par les particuliers de pratiques respectueuses des abeilles permettent d'espérer une restauration des populations de pollinisateurs. En reconnaissant le rôle vital que jouent les pollinisateurs dans notre réseau de vie interconnecté, nous ouvrons la voie à une planète plus saine et à un avenir plus sûr, tant pour la nature que pour l'humanité. La responsabilité de protéger ces créatures essentielles nous incombe, et nous exhortons à une action collective pour garantir un environnement prospère et résilient pour les générations à venir.

Références

1. Questions et réponses sur un nouveau pacte pour les pollinisateurs, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/qanda_23_282

2. Commission européenne - Énergie, changement climatique et environnement : Pollinisateurs, https://environment.ec.europa.eu/topics/nature-and-biodiversity/pollinators_en#:~:text=La%20initiative%20sets%20long%2Dterm,at%2Dlarge%20et%20promotion%20collaboration

3. Agence exécutive pour la recherche européenne, https://rea.ec.europa.eu/news/eu-funded-projects-helping-protect-bees-across-europe-2022-05-20_en

Abeilles dans un nid d'abeilles